Éditorial

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La classification des cinq sens proposée par Aristote est aujourd’hui remise en question. En effet, les avancées scientifiques ont mis en évidence l’existence de nombreux autres sens, parmi lesquels la proprioception, qui occupe une place fondamentale.

Parfois qualifiée de “sixième sens” dans la littérature grand public, elle est considérée par les chercheurs comme un “sens premier” en raison de son rôle central dans le codage directionnel de l’ensemble des autres modalités sensorielles, y compris la vision. C’est ainsi que la perception précise de la position d’un objet dans l’espace visuel dépend en partie de la proprioception des muscles oculaires, en particulier lorsque le retour sensoriel diverge des prédictions établies par la copie d’efférence.

Comme l’ensemble des modalités sensorielles, la proprioception peut être affectée par des dysfonctionnements. La pathologie associée, dénommée initialement syndrome de déficience posturale (SDP), a été décrite pour la première fois au Portugal. Henrique Martins da Cunha et Orlando Alves da Silva avaient alors émis l’hypothèse que certains patients présentant des douleurs chroniques inexpliquées pourraient être victimes d’une altération proprioceptive et visuelle, induisant une adaptation posturale pathogène.

Les symptômes du SDP ne se limitent pas aux troubles posturaux et à leurs conséquences algiques. D’emblée, ces médecins portugais décrivent des manifestations associées dans les domaines spatial et cognitif. Pour mieux souligner cette diversité clinique, l’appellation “syndrome de déficience posturale” a été remplacée aujourd’hui par “syndrome de dysfonction proprioceptive”, le sigle restant identique et indiquant l’ensemble des signes liés à une dysproprioception.

Malgré l’intérêt scientifique croissant pour la proprioception, la prise en charge du SDP demeure confidentielle et peu reconnue au sein du corps médical, notamment par les ophtalmologistes. Cette situation peut s’expliquer par plusieurs facteurs : d’une part, le manque de formation initiale sur la proprioception oculaire, pourtant objet de nombreuses recherches scientifiques (à titre d’exemple, une recherche sur PubMed avec les mots-clés “ocular proprioception” révèle plus de 2 000 références). D’autre part, l’évolution technologique prodigieuse de l’ophtalmologie qui a marginalisé les approches cliniques traditionnelles, perçues comme obsolètes. Enfin, la prise en charge proprioceptive exige du temps et une collaboration interprofessionnelle, deux facteurs qui ne correspondent pas toujours aux attentes des patients et des cliniciens.

Nos travaux de recherche fondamentale et clinique se sont particulièrement concentrés depuis plus de 20 ans sur les liens entre proprioception oculaire et troubles des apprentissages. Ces derniers affecteraient au moins 10 % de la population scolarisée,[...]

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À propos de l’auteur

Ophtalmologiste libéral, BEAUNE. Chercheur associé unité 1093 INSERM Cognition, action et plasticité sensorimotrice.